Isabel Schorer, les bons salaires, les primes, les bonus, la prévoyance ou les jours de vacances supplémentaires font aujourd’hui déjà partie des « must » qu’une entreprise doit offrir aux candidats pour être perçue comme un employeur potentiel, n’est-ce pas ?
C’est effectivement le cas dans la plupart des secteurs. C’est aussi la raison pour laquelle les entreprises s’intéressent plus profondément à leur présentation et à leur image sur le marché du travail. Les motivations que vous avez mentionnées sont quantitatives, rationnelles, extrinsèques – elles s’appliquent de la même manière à tous les employeurs. Lorsqu’un·e travailleur·se choisit un emploi, c’est un peu comme lorsqu’il·elle achète une voiture : on compare d’abord le prix et la prestation. Mais pour qu’une marque soit durablement convaincante, il faut davantage.
Ainsi, les aspects émotionnels et qualitatifs tels que les valeurs, l’attitude fondamentale et la culture d’entreprise gagnent fortement en importance.
Oui. En Suisse, nous évoluons dans un contexte de demande excédentaire du côté des employeurs. Nous sommes confrontés aux mêmes défis que sur le marché des ventes : les prix augmentent – et sur le marché du travail, les salaires augmentent. L’objectif d’une entreprise ne peut toutefois pas être d’augmenter continuellement les salaires, d’autant plus qu’il est évident que cette motivation ne fonctionne que partiellement. C’est pourquoi les aspects qualitatifs et émotionnels prennent de plus en plus d’importance dans le choix d’un emploi.
À quoi les candidat·e·s accordent-il·elle·s une importance particulière ?
L’ensemble de l’offre de l’employeur potentiel doit être cohérent. Cela signifie que non seulement le salaire et les autres avantages sont conformes au marché, mais que l’employeur dispose également d’une culture d’entreprise attrayante et moderne qui lie émotionnellement le·la travailleur·use à l’entreprise. Dans l’idéal, l’objectif de l’entreprise doit également être porteur de sens. Plus l’entreprise est « attractive », plus les employé·e·s sont prêt·e·s à accorder moins d’importance au facteur salaire.
Ainsi, le traitement du marché du travail devient en fait une tâche stratégique qui entraîne des répercussions sur l’ensemble de la marque de l’entreprise et sur sa perception interne et externe.
Absolument. C’est un sujet stratégique, car il s’agit de la présence à moyen et long terme de l’entreprise sur un marché très mouvant. D’ailleurs, le développement et le traitement de la marque employeur ont souvent des effets positifs sur l’image globale de l’entreprise, y compris sur le marché des ventes.
Cette prise de conscience est-elle en cours dans les entreprises de Suisse orientale ?
Oui, le défi de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est palpable. Des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs recherchent désespérément du personnel dans leurs domaines professionnels. C’est ce que montrent également les plates-formes transversales existantes telles que « IT rockt ! » ou « Wilder Osten », qui souhaitent relever ce défi ensemble. Toutefois, la portée et l’utilité d’un « employer branding » fondé ne sont pas encore reconnues partout.
Une image crédible s’obtient par une communication à long terme, cohérente et à multiples facettes de la propre personnalité de la marque. A quoi faut-il faire particulièrement attention dans ce domaine ?
Il existe un principe important : l’authenticité absolue. Faire une promesse et ne pas la tenir peut nuire durablement à l’image d’une entreprise. En tant qu’entreprise, ne faites donc jamais de faux pas, assumez votre propre personnalité d’entreprise – c’est la seule façon de trouver des personnes qui correspondent à l’entreprise. Même les entreprises d’un même secteur ont de nombreuses facettes et ne sont pas toutes identiques. Cela s’exprime dans la diversité de leurs cultures d’entreprise, ce qui doit être reconnaissable à l’extérieur.
Avez-vous un exemple ?
Les exemples typiques sont Google et Swisscom, ainsi que d’autres petites et grandes entreprises du secteur informatique, parce que la pénurie de personnel qualifié y règne depuis longtemps et qu’un changement de mentalité a déjà eu lieu depuis longtemps.
A quoi les employeurs reconnaissent-ils leur propre attractivité – ou leurs lacunes ?
Un certain nombre de questions fondamentales peuvent être posées : Comment la culture d’entreprise est-elle perçue en interne et en externe ? Comment l’esprit d’équipe et la collaboration sont-ils vécus ? L’employeur et ses employé·e·s peuvent-il·elle·s dire ce que l’entreprise représente et quelles valeurs elle défend ? Les incitations et les conditions générales de travail sont-elles conformes au marché ? L’entreprise trouve-t-elle le personnel souhaité à un coût acceptable ? Il est important d’avoir un échange constant avec les collaborateur·rice·s en place, car il·elle·s sont la colonne vertébrale de l’entreprise et doivent pouvoir être préservé·e·s le plus longtemps possible. Les personnes au sein de l’entreprise sont en même temps les meilleures ambassadrices. Ce sont elles qui transmettent le plus directement et le plus authentiquement leur joie et leur motivation à d’éventuel·le·s futur·e·s collègues. L’employeur devrait également vérifier en permanence son attractivité, son image, à l’aide d’enquêtes internes, de contrôles sur des plateformes d’employeurs et d’une comparaison des promesses d’emploi des concurrents sur le marché du travail.
Comment procédez-vous alors pour entretenir et communiquer l’USP (argument de vente unique) aux travailleur·euse·s, si l’on peut dire ?
Il s’agit en particulier d’une base stable, c’est-à-dire d’un ensemble de valeurs ou d’une « Employer Value Proposition » (la promesse d’avantages de l’employeur à ses (futur·e·s) employé·e·s). Cette base doit être établie ou révisée. Elle constitue le noyau de la communication vers l’extérieur et – très important ! – aussi vers l’intérieur. L’USP ? Il n’y a guère d’entreprise qui puisse se vanter d’un avantage vraiment unique. En même temps, ce n’est pas nécessaire non plus. La marque employeur doit plutôt être vécue, entretenue et correctement préparée en termes de communication. C’est là que réside la possibilité de se différencier : avec quelle tonalité vais-je aborder le marché ? Quelle est la pertinence de mes messages et de mes promesses pour le groupe cible concerné ? Quelles histoires vais-je raconter ? Quel matériel visuel et quelle conception visuelle choisis-je ? Quels sont les canaux de communication que j’utilise ?
Quelle est l’importance ici de s’adresser à un groupe cible particulier – la génération Z veut probablement entendre d’autres arguments que les « baby boomers » ?
La subdivision et la caractérisation des générations est un sujet fréquemment débattu. L’idée de ce modèle est en effet que les différentes tendances de socialisation et d’expériences conduisent à un déplacement des valeurs et à une modification des projets de vie. Mais les multiples conférences et études publiées sur la génération Z ne mènent à rien. Oui, la génération Z a grandi avec Internet et la téléphonie mobile, ce qu’aucune autre génération n’avait vécu jusqu’à présent avec une telle conséquence, mais est-ce pour cela qu’elle se sent particulièrement détachée ? Est-ce pour cela qu’elle change constamment d’employeur ? Est-ce pour cela qu’elle a des idées absurdes sur les salaires ? Ce sont des (pré)jugements de générations plus âgées qui peuvent difficilement se mettre à la place d’un·e jeune de 20 ans aujourd’hui. La génération Z est composée de personnes qui ont entre 10 et 25 ans. Ils ont essentiellement les mêmes besoins que nous avions quand nous avions cet âge. Les questions sociales, globales et personnelles les préoccupent et sont mises sur le devant de la scène. Il est important qu’en tant qu’entreprise, on s’intéresse vraiment aux besoins et au comportement de la jeunesse actuelle – et qu’on se demande ensuite quelle pourrait être la culture d’entreprise de demain. Là aussi, c’est important : Il faut que ce soit authentique et non pas de la poudre aux yeux superficielle.
Quels sont les « péchés capitaux » des entreprises en matière de marque employeur que vous observez le plus souvent dans votre travail ?
Certaines entreprises (y compris de très grandes entreprises) ne veulent tout simplement pas reconnaître leur manque d’attractivité pour certains groupes professionnels. De nombreuses entreprises ne prennent pas au sérieux le concept de « Employer Value Proposition ». Les promesses sont malheureusement trop souvent plates, interchangeables, sans véritable engagement. De plus, l’ « Employer Value Proposition » n’est souvent pas vécue et ancrée en interne. L’authenticité disparaît alors rapidement.
Et votre conseil personnel aux entreprises qui n’ont pas (encore) réfléchi à l’employer branding ?
Premièrement : prenez régulièrement le pouls. Quelle est la situation de l’entreprise sur le marché du travail ? Est-il possible de trouver et d’acquérir la main-d’œuvre nécessaire ? Quel est l’état actuel de l’entreprise elle-même ? Satisfaction des collaborateur·rice·s ? Culture d’entreprise ? Ce n’est qu’en connaissant l’état actuel que vous pourrez intervenir à temps et changer les choses. Deuxièmement, prenez le sujet au sérieux, car il s’agit de votre colonne vertébrale. Sans personnes motivées et compétentes, il est impossible de proposer des prestations commercialisables. Troisièmement : l’effort à fournir pour développer et ancrer la marque employeur est, en fait, relativement limité. Les concepts pour y parvenir existent et attendent d’être appliqués.