Loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement : les entreprises suisses doivent, elles aussi, se préparer dès maintenant

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Après l’initiative pour des entreprises responsables, voici la loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement. Désormais, les entreprises de l’Union européenne doivent respecter les droits de l’homme tout au long de la chaîne d’approvisionnement et de minimiser leur impact sur l’environnement. Elles sont tenues responsables en cas d’infraction. Les entreprises suisses sont également concernées par la réglementation des pays tiers. Tout ce qu’il faut savoir sur la nouvelle directive.

Le 29 novembre 2020, l’initiative pour des multinationales responsables a été rejetée de justesse par la majorité des cantons. Les règles de responsabilité des entreprises suisses en cas de violation des droits de l’homme et de l’environnement tout au long de leur chaîne de valeur ont ainsi été provisoirement écartées. Le débat est à présent relancé. Le 24 avril 2024, le Parlement européenne a adopté la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive ou CSDDD, également connue sous le nom de loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement). Le Conseil de l’Union européenne, et donc les États membres, ont désormais donné leur accord final à la directive. La loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement devrait entrer en vigueur au cours du premier semestre de cette année, après sa publication officielle au Journal officiel de l’UE. La directive oblige les grandes entreprises à identifier les impacts de leurs activités commerciales sur les droits de l’homme et de l’environnement et à y remédier ou à les minimiser. Les mesures prises doivent faire l’objet d’un suivi régulier et leur efficacité doit être vérifiée. Ces obligations de vigilance s’étendent à une grande partie de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises sont responsables des manquements et peuvent être sanctionnées.

Depuis le 1er janvier 2022, les dispositions du contre-projet indirect à l’initiative pour des entreprises responsables sont applicables en Suisse. Ces dispositions du Code des obligations obligent les grandes entreprises suisses à rendre compte des risques liés à leurs activités dans divers domaines tels que l’environnement, les droits de l’homme et la lutte contre la corruption. La nouvelle loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement de l’UE va beaucoup plus loin. Alors que le devoir de vigilance suisse ne concerne que les entreprises présentant des risques dans les domaines du travail des enfants et des minerais originaires de zones de conflit, les nouvelles règles de l’UE s’appliquent à tous les secteurs et sont nettement plus détaillées. Les entreprises suisses doivent également se conformer à ces règles si elles sont actives sur le marché intérieur de l’UE.

Comparaison entre les obligations de vigilance de la directive européenne et la législation suisse (Sources : Meyer et al. im Auftrag von BJ und SECO, 2023 / BJ, 2022 / Shearman & Sterling, 2024)

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La Suisse n’est pas tenue de reprendre la directive européenne. Par le passé, le Conseil fédéral a toutefois souligné à plusieurs reprises que les règles suisses correspondantes devaient être harmonisées au niveau international. Dans un mandat d’examen, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a souligné que les réglementations correspondantes de l’UE constituaient un point de référence important. La pression exercée par les ONG et les politiques sur le Conseil fédéral pour que celui-ci adapte la législation suisse augmente. La CI du commerce de détail (entre autres Coop, Denner, Migros) s’est déjà prononcée peu après la décision du parlement européen pour une adaptation aussi exacte que possible – sans « Swiss finish ». La question de savoir si la loi sur la chaîne d’approvisionnement sera reprise en majorité, voire en totalité, ou si l’on s’en tiendra à une adaptation ponctuelle est encore ouverte à l’heure actuelle – et relève, en fin de compte, d’une décision politique. Le Conseil fédéral a déjà déclaré qu’il souhaitait d’abord observer la manière dont les États membres mettaient en œuvre la directive et qu’il ne déciderait qu’ensuite de la marche à suivre.

Il est d’ores et déjà clair que les obligations de vigilance de l’UE auront un impact direct sur la Suisse. Les entreprises suisses actives sur le marché intérieur européen, sont soumises à la loi sur la chaîne d’approvisionnement en vertu de la réglementation des États tiers. Selon une étude externe, mandatée par le DFJP et le Département de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), 160 à 260 entreprises suisses seraient concernées par cette réglementation des pays tiers. Ces chiffres doivent toutefois être relativisés, car la directive européenne a été considérablement affaiblie depuis le projet initial de la Commission sur lequel se base cette étude. En outre, les entreprises directement concernées dans l’UE devraient en partie répercuter les obligations de vigilance sur les petites entreprises suisses dans leur chaîne de création de valeur.

Pour une gestion d’entreprise prévoyante, attendre n’est pas une option. Les entreprises actives au niveau international, en particulier, devraient évaluer, dès à présent, si et dans quelle mesure elles sont concernées par les nouvelles réglementations de l’UE et envisager la mise en place de nouveaux processus de due diligence.

Lors de la planification à long terme, il ne faut pas non plus négliger l’éventualité d’une mise en conformité du droit suisse. En effet, bien que cela puisse encore durer quelque temps (décision du Conseil fédéral, référendum potentiel, etc.), il convient de suivre de près l’évolution de la situation. Il est d’ores et déjà possible de préparer des stratégies et procédures pour des scénarii éventuels.